Mamadou Talla, le créateur de Radio Soudan devenue Radio Mali
Mamadou Talla n’était pas «un des chauffeurs du président Modibo Kéïta» ; mais un cadre supérieur et un grand panafricain. Il avait été envoyé par la France pour créer la station de Radio Soudan.
À ce poste, il fit preuve d’une grande capacité d’organisation et d’imagination. C’est à lui que le Mali doit les premiers pas de Radio Soudan.
Mamadou Talla est remarquable par sa vivacité d’esprit, sa finesse d’analyse et son doigté dans l’action politique. Les premiers grands artistes, Bazoumana Sissoko, Djéli Baba Sissoko, Koni Koumaré, les deux Fanta Damba (la doyenne et la jeune), Siramory Diabaté, Dah Sow et tant d’autres furent lancés par lui.
Grand patriote africain, Mamadou Talla n’a pas hésité à renoncer à son statut de fonctionnaire français, avec tous les avantages qui s’y attachaient (gros salaire, villa, nombreuses voitures, voyages…), pour opter pour le statut de fonctionnaire malien en restant au Mali après la Fédération du Mali et à participer à l’action de l’Us-Rda, plutôt que de rejoindre la France ou le Sénégal, son pays natal. Il fut Conseiller à la presse du président Modibo Kéïta. Il était membre de la Commission de Doctrine et d’Orientation, ainsi que de la Commission de Politique générale de l’US-RDA.
Comme Conseiller personnel du président Modibo Kéïta, il joua d’importants rôles lors des rencontres africaines ou des conférences des Non-alignés. Son rôle fut essentiel lors de la rédaction des résolutions de la Conférence constitutive de l’OUA en 1963 à Addis-Abeba, en Éthiopie. Il est souvent arrivé que Mamadou Talla soit Chargé de missions spéciales auprès de nombreux chefs d’Etat d’Afrique et du Tiers-monde. Au coup d’Etat du 19 novembre 1968, l’Ambassadeur du Sénégal voulut faire prévaloir l’origine sénégalaise de Mamadou Talla pour obtenir sa libération.
Mais il s’y opposa farouchement en disant ceci : «Je suis venu au Soudan comme fonctionnaire français, mais depuis la rupture de la Fédération du Mali, mon choix est fait. Je suis Malien par option. Tout ce qui a été conçu, organisé, exécuté dans le cadre de la politique d’édification du Mali nouveau sous la direction de l’Union Soudanaise RDA, l’a été avec ma participation consciente. Tout ce qui a été fait par mes camarades dirigeants de l’Us-Rda à la tête de ce pays depuis 1960 m’engage pleinement.
Je revendique ma part dans toute l’action. Je revendique donc le droit d’en répondre au même titre que tous les dirigeants et cadres de l’Union soudanaise-Rda. Ma place est parmi mes camarades de détention et pas ailleurs. J’y reste pour assumer la responsabilité que j’ai prise en me joignant à la phalange des patriotes qui ont libéré le Mali et ont entrepris avec courage et sérieux son édification. Je remercie ma Patrie d’origine, le Sénégal, mais je décide de partager le sort de mes concitoyens d’adoption. C’est mon choix».
Mamadou Talla a été trimballé dans toutes les geôles et déporté à Kidal et Intadéïnit, malgré sa santé fragile. Il a passé sept ans en prison sans jugement. Il y a perdu un œil. À sa libération en 1975, Moussa Traoré et sa clique n’ont rien trouvé de mieux à faire que de l’expulser du Mali, car ils savaient que cette sanction était la pire aux yeux de Mamadou Talla qui tenait au Mali par toutes les cellules de son être.
Son épouse, Sanou Diallo (une nièce du président Mamadou Konaté) et ses enfants ont été contraints de le rejoindre à Dakar où, malgré sa mauvaise vue (le seul œil qui lui restait n’avait que 3% d’acuité), il a été successivement directeur d’un Cabinet ministériel dans le gouvernement Senghor et professeur au CESTI. Talla fut l’un des plus grands spécialistes de la communication en Afrique. Il est décédé à Dakar en 2000. Gloire à sa mémoire et paix à son âme !
N.B. Ce texte est extrait du livre que j’ai publié en 1996 sous le titre : Défense et illustration de l’action de l’US RDA (pages 13 – 14)
Bamako le 23 janvier 2015
Amadou Seydou Traoré
dit Amadou Djicoroni
PS: Mamadou Talla est décédé le 1er mars 2000 et L’auteur, le 04 septembre 2016