LE SENEGAL BASCULE DANS L’ANARCHIE JUDICIAIRE
Il ne faut point s’y tromper : le Sénégal a basculé dans l’anarchie judiciaire depuis le lundi 14 janvier
2019, date à laquelle le Conseil Constitutionnel a arrêté la liste provisoire des candidats à l’élection
présidentielle du 24 février 2019. Le principe de sécurité juridique qui constitue un des fondements
de l’Etat de Droit, et qui repose sur « l’existence de normes claires et intelligibles, sur la protection
des droits acquis et des délais de recours, sur le principe de la confiance légitime, la stabilité et la
prévisibilité des situations juridiques » n’existe plus au Sénégal. Le Considérant N°66 de la décision
N°2/E/2019 a fini de jeter l’opprobre et le discrédit sur le Conseil Constitutionnel, et la justice, créant
un chaos judiciaire sans précédent. En effet, la lecture du Considérant N°66 suscite l’effroi :
« Considérant que Khalifa Ababacar SALL ne peut plus se prévaloir de la qualité d’électeur au sens
des articles L.27 et L.31 du code électoral ; que par suite ne remplissant pas la condition prévue par
l’alinéa 1 er de l’article L.57 du Code électoral, il ne peut faire acte de candidature à l’élection
présidentielle ». Analysons maintenant la portée juridique des articles du code électoral (L.27, L.31
et L.57, alinéa 1) visés par le Considérant N°66 de la décision N°2/E/2019 du Conseil Constitutionnel :
Article L.27 « Sont électeurs, les sénégalais des deux sexes, âgés de dix-huit ans accomplis, jouissant
de leurs droits civils et politiques, et n’étant dans aucun cas d’incapacité prévu par la loi ».
Observations N°1 : A ce jour, Khalifa SALL jouit de tous ses droits civils et politiques. Ni le jugement
du Tribunal de Grande Instance de Dakar du 30 mars 2018, ni l’arrêt N°454 de la Cour d’appel de
Dakar du 30 aout 2018, ni l’arrêt N°001 de la Cour suprême du 03 janvier 2019 n’ont prononcé une
privation des droits civils et politiques à l’encontre de Khalifa SALL. Le terme « prononcé » a une
signification juridique précise. Il signifie que la Justice doit prononcer la privation des droits civils et
politiques formellement (le prononcé doit figurer dans le jugement ou l’arrêt). A ce jour, le Conseil
Constitutionnel ne peut fournir aucune décision de justice dans laquelle figure la privation des droits
civils et politiques de Khalifa SALL. Par conséquent, le fait de viser l’article L.27 du code électoral
relève d’une farce grotesque, de la part des 7 « Sages ».
Article L.31 « Ne doivent pas être inscrits sur la liste électorale : 2) les individus condamnés à une
peine d’emprisonnement pour l’un des délits suivants : vol, escroquerie, abus de confiance, et en
général pour l’un des délits passibles d’une peine supérieure à cinq (05) ans d’emprisonnement…».
Observations N°2 : Il convient de porter une attention particulière à l’article L.31. Khalifa SALL est
régulièrement inscrit sur les listes électorales. Sa qualité d'électeur est définitivement acquise le 17
juillet 2018, après la clôture de la révision exceptionnelle des listes électorales, conformément au
décret n°2018-476 du 20 février 2018. Khalifa SALL figure sur la liste électorale issue de cette révision
établie de manière définitive par les services du Ministère de l'Intérieur, le 17 juillet 2018. Depuis
cette date, Khalifa SALL ne relève plus de l’article L.31, puisqu’il est définitivement inscrit sur les
listes électorales. L’article L.31 est extrêmement clair, puisqu’il dispose « Ne doivent pas être inscrits
sur les listes électorales… ». Or, Khalifa SALL étant déjà inscrit sur les listes électorales, l’article L.31
du code électoral ne lui est nullement applicable. Pour une raison simple : toutes les dispositions de
l’article L.31 concernent les condamnés qui ne sont pas encore inscrits sur les listes électorales. Ce
qui n’est pas le cas de Khalifa SALL, dont l’inscription est définitive depuis le 17 juillet 2017. La qualité
d’électeur de Khalifa SALL est incontestable dans la mesure où il a été élu Député à l’issue du scrutin
du 30 juillet 2017.
Pour priver Khalifa SALL, de la qualité d’électeur, la seule voie juridique possible est la radiation sur
les listes électorales. Or, les 7 « Sages » savent parfaitement qu’une radiation des listes électorales
obéit à un formalisme strict, et induit le respect de délais, ce qui aboutit inéluctablement à la
recevabilité de la candidature de Khalifa SALL pour l’élection présidentielle du 24 février 2019.
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A- Le formalisme exigé par la loi pour la radiation d’un électeur sur les listes électorales
L’article L.42 du code électoral dispose « qu’un électeur inscrit sur la liste électorale ne peut être
radié sans une décision motivée et dûment notifiée ». C’est clair, net et précis. Pour radier Khalifa
SALL des listes électorales, il faut obligatoirement lui notifier la décision. Cette notification est une
formalité substantielle, sans laquelle sa radiation des listes électorales est dénuée de toute valeur
juridique. Dans tous les cas, lorsqu’il s’agit d’une radiation, y compris d’une radiation d’office, la loi
exige qu’une notification soit faite à l’intéressé (cf article L.43 du code électoral). En vérité, la
radiation de Khalifa SALL sur la liste électorale était impossible au lendemain de la décision de la Cour
suprême du 03 janvier 2019, pour les 2 raisons suivantes :
L’article L.43 du code électoral dispose « que l’électeur qui a fait l’objet d’une radiation d’office, pour
d’autres causes que le décès, reçoit de la part de l’autorité administrative compétente, notification
écrite de la décision de la commission administrative à sa dernière résidence connue. L’électeur radié
peut dans les 5 jours qui suivent, intenter un recours devant le Président du Tribunal d’instance »,
L’article L.46 du code électoral dispose « que la décision du Président du Tribunal d’instance est
rendue en dernier ressort et qu’elle peut être déférée en cassation devant la Cour suprême,
conformément aux dispositions de la loi organique sur ladite Cour ».
Les délais de recours liés à une radiation de Khalifa SALL sur la liste électorale sont incompatibles
avec la date du 20 janvier 2019, fixée par le Conseil Constitutionnel pour la publication de la liste
définitive des candidats à l’élection présidentielle du 24 février 2019. Enclencher une procédure de
radiation entraînait ipso facto la recevabilité de la candidature de Khalifa SALL. Pour conclure à
l’irrecevabilité de la candidature de Khalifa SALL, le Conseil Constitutionnel s’est arrogé une nouvelle
compétence qui n’existe nulle part dans la loi organique n°2016-23 du 14 juillet 2016 qui définit ses
compétences : priver un citoyen de la qualité d’électeur (le CC n’a aucune compétence pour radier un
citoyen des listes électorales). En conséquence, le Considérant N° 66 de la décision N°2/E/2019
précisant que « Khalifa Ababacar SALL ne peut plus se prévaloir de la qualité d’électeur au sens des
articles des articles L.27 et L.31 du code électoral ; que par suite ne remplissant pas la condition
prévue par l’alinéa 1 er de l’article L.57 du Code électoral, il ne peut faire acte de candidature à
l’élection présidentielle » est totalement illégal, nul et non avenu. Pour clore l’analyse sur le
Considérant N°66, précisons enfin que l’alinéa 1 de l’article L.57 du code électoral ne comporte
aucune disposition de nature à entraver la candidature de Khalifa SALL puisqu’il dispose que « Tout
sénégalais électeur peut faire acte de candidature et être élu, sous réserve des conditions d’âge et des cas
d’incapacité ou d’inéligibilité prévus par la loi ». Or, il a été prouvé d’une part que Khalifa SALL est
électeur et éligible, et d’autre part que l’article L.31 du code électoral ne lui est pas applicable
(concerne les condamnés qui ne sont pas encore inscrits, et non les condamnés déjà inscrits, et pour
qui, seule une procédure de radiation est de nature à les priver de la qualité d’électeur).
B- Le Sénégal bascule dans l’anarchie judiciaire
La justice sénégalaise qui faisait il y a quelques années encore, la fierté du continent africain, est
devenue méconnaissable sous le magistère de Macky SALL. Son image est considérablement
entachée à l’échelle régionale (CEDEAO), et internationale (ONU). Le Conseil Constitutionnel et la
Cour suprême devenus de simples « marionnettes » entre les mains du pouvoir exécutif sont
désacralisés et totalement décrédibilisés. Le principe de sécurité juridique a volé en éclats, créant
une rupture de confiance entre la justice et le peuple. L’insécurité juridique a atteint son paroxysme,
touchant de plein fouet l’organisation judiciaire : la Cour suprême peut dire que le rabat d’arrêt est
suspensif, et le Conseil Constitutionnel prétendre le contraire. Avec le chaos judiciaire qui se profile,
restaurer l’Etat de Droit est un impératif. Le Sénégal traverse un moment critique de son histoire où
les institutions judiciaires sont à terre. La démocratie sénégalaise est en DANGER. L’alerte lancée par
l’ambassade des USA à Dakar prouve que le risque de basculement est désormais possible.